CMV: intérêts, avantages et limites

L’utilisation d’un complément minéral et vitaminé (CMV) chez le cheval peut apporter des avantages significatifs, mais elle présente aussi des limites. Voici un résumé des points clés prouvés scientifiquement :

 

Avantages de l’utilisation d’un CMV

 

1. Correction des carences nutritionnelles :  

   - Les rations à base de foin ou de céréales sont souvent déséquilibrées en vitamines, oligo-éléments et minéraux essentiels. Un CMV permet de combler ces déficits, notamment en calcium, phosphore, magnésium, zinc, cuivre, et vitamine E.

   - Indispensable pour les chevaux ayant des besoins accrus (croissance, reproduction, travail intense) ou recevant des aliments pauvres en certains nutriments (foin de qualité inférieure).

 

2. Amélioration de la santé générale :  

   - Renforce la santé osseuse et articulaire grâce à un apport équilibré en calcium et phosphore.  

   - Soutient le système immunitaire grâce au sélénium, au zinc, et aux vitamines (notamment C et E).  

 

3. Optimisation des performances :  

   - Les chevaux de sport ou de course peuvent bénéficier d’un apport accru en électrolytes et en vitamines B pour améliorer leur endurance et leur récupération.  

   - Favorise une meilleure qualité de la robe et des sabots (notamment grâce au zinc, au cuivre et à certains acides aminés).

 

4. Facilité d’utilisation :  

   - Les CMV sont souvent conçus pour être facilement intégrés à la ration quotidienne, avec des formulations spécifiques adaptées aux besoins de différentes catégories de chevaux (entretien, sport, élevage).

 

Inconvénients et limites

 

1. Risque de surdosage :  

   - Un apport excessif de certains minéraux (fer, cuivre, sélénium) ou vitamines liposolubles (A, D, E) peut être toxique. Par exemple, un excès de sélénium peut provoquer une sélénose, et trop de vitamine D peut entraîner une calcification des tissus mous. En général les CMV sont censés être formulés pour être utilisés dans des conditions de conduisant pas à des toxicoses. Cependant on peut parfois observer sur le marché des compléments mal formulés ou ne permettant pas de gérer les ratios entre minéraux et oligo-éléments de manière optimale. Certains utilisateurs sont aussi parfois tentés d’utiliser les CMV dans des doses inappropriées.

   - Le surdosage est souvent lié à une mauvaise évaluation des besoins réels du cheval ou à une combinaison de plusieurs compléments.

 

2. Interactions négatives entre nutriments :  

   - Les ratios déséquilibrés (par exemple, calcium/phosphore ou zinc/cuivre) peuvent inhiber l’absorption de certains minéraux et entraîner des déficiences secondaires.

 

3. Coût élevé :  

   - Les CMV de haute qualité, en particulier ceux contenant des formes organiques (chélates) de minéraux, peuvent être coûteux par rapport aux produits standards.

 

4. Adaptation difficile :  

   - Les besoins nutritionnels varient en fonction de l’âge, du poids, de l’activité et de la santé du cheval. Les CMV génériques peuvent ne pas convenir à tous les chevaux sans ajustement personnalisé.

 

5. Développement d’une dépendance aux compléments :  

   - Une utilisation prolongée de CMV peut masquer des déséquilibres sous-jacents dans la ration de base, empêchant une optimisation globale de l’alimentation.

 

Recommandations

- Évaluer les besoins individuels : Les analyses de fourrages et une évaluation par un nutritionniste équin sont recommandées pour choisir un CMV adapté.  

- Préférer les formulations équilibrées : Les ratios (Ca:P, Zn:Cu) doivent être respectés pour éviter les déséquilibres. Les formes organiques sont généralement préférées pour leur meilleure biodisponibilité.  

- Surveiller les effets: Un suivi clinique (qualité des sabots, pelage, performance) et des analyses sanguines peuvent confirmer l’efficacité du CMV.

 

Les sources de minéraux, oligo-éléments et vitamines

 

La qualité des sources de minéraux, oligo-éléments et vitamines administrées aux chevaux influence fortement leur biodisponibilité et leur innocuité. Une mauvaise biodisponibilité ou un excès de certains nutriments peut entraîner des effets délétères sur la santé des chevaux. Voici une synthèse des sources les mieux absorbées et les moins problématiques.

 

1. Minéraux

Les minéraux majeurs (macro-éléments) essentiels pour le cheval incluent le calcium, le phosphore, le magnésium, le potassium et le sodium.

a. Calcium (Ca)

- Sources optimales : Le calcium est mieux absorbé lorsqu’il provient de sources naturelles comme la luzerne, les foins riches en légumineuses, ou les suppléments sous forme de carbonate de calcium ou citrate de calcium. La digestibilité du calcium est influencée par des niveaux élevés de fibres et de phosphore. Des apports équilibrés en calcium et phosphore sont essentiels pour l'absorption optimale.

- À éviter : Une sur-supplémentation ou un déséquilibre calcium/phosphore (excès de calcium par rapport au phosphore, au-delà de 3:1) peut interférer avec l’absorption d’autres minéraux, notamment le zinc et le magnésium. 

b. Phosphore (P)

- Sources optimales : Les phosphates dicalciques et monocalciques sont hautement biodisponibles. Le phosphore issu de sources organiques est mieux absorbé que les phosphates inorganiques, particulièrement lorsque le ratio Ca/P est équilibré. Un excès de phosphore peut interférer avec le métabolisme du calcium.

- À éviter : Les apports excessifs en phosphore provenant de rations trop riches en céréales peuvent causer une déminéralisation osseuse (ostéodystrophie fibrotique) .

c. Magnésium (Mg)

- Sources optimales : Le magnésium est bien absorbé sous forme d’oxyde de magnésium ou de sulfate de magnésium. Les pâturages jeunes contiennent également des quantités biodisponibles. Les niveaux élevés de fibres ou de phosphore réduisent l’absorption du magnésium. Les sources organiques (comme le citrate de magnésium) favorisent une meilleure disponibilité.

- À éviter : Les sources peu solubles comme le carbonate de magnésium ont une biodisponibilité réduite.

d. Sodium

- Sources optimales :   Le sodium est principalement apporté par le sel de table (chlorure de sodium) ou les pierres à lécher.

 

2. Les oligo-éléments

Les  oligo-éléments essentiels incluent le fer, le zinc, le cuivre, le sélénium et l’iode.

a.Zinc (Zn) : 

- Sources optimales : Le zinc sous forme de chélates organiques ((zinc méthionine) est plus biodisponible et mieux toléré que les oxydes ou sulfates inorganiques. Le magnésium joue un rôle positif dans sa digestion. Les sources inorganiques comme l’oxyde de zinc et le sulfate de cuivre sont également bien assimilées mais moins efficaces

- Précautions: Le ratio zinc/cuivre dans l’alimentation doit rester équilibré (entre 4:1 et 10:1) pour éviter des déficiences secondaires .

b. Cuivre (Cu) :

- Sources optimales :  Les chélates de cuivre organiques (cuivre lysinate), tels que le bisglycinate de cuivre, améliorent son absorption et sont moins susceptibles de provoquer des effets négatifs comparés aux oxydes ou sulfates. Les sources inorganiques comme le sulfate de cuivre sont également bien assimilées mais moins efficaces

c. Sélénium (Se) : 

- Sources optimales :  Les formes organiques, comme le sélénométhionine, sont plus assimilables et sécuritaires que les formes inorganiques comme le sélénite.

- À éviter : Le sélénium en excès est toxique (risque de sélénose) ; il convient donc de limiter la supplémentation à des doses documentées scientifiquement

d. Fer (Fe) : 

- Sources optimales : Bien que le fer soit souvent abondant dans l’alimentation des chevaux, les formes organiques sont plus facilement métabolisées. Les sources inorganiques (oxydes) sont moins efficaces et parfois mal tolérées. Le fer est naturellement présent dans les pâturages et les foins en quantités suffisantes pour la plupart des chevaux.

- À éviter : La supplémentation excessive est déconseillée, car un excès de fer peut réduire l’absorption de zinc et de cuivre, et entraîner un stress oxydatif .

e. Iode (I)

- Sources optimales : les algues marines (comme l’ascophyllum nodosum) sont des sources biodisponibles.

- À éviter : Une surcharge en iode, par exemple via un excès d’algues, peut provoquer des désordres thyroïdiens .

 

3. Les vitamines

a. Vitamines liposolubles 

Vitamine A : 

  - Source optimale : Le bêta-carotène présent dans l’herbe fraîche est transformé en vitamine A par le cheval. Les suppléments de rétinol sont également efficaces.

  - Précautions : Une sur-supplémentation peut entraîner une toxicité (hypervitaminose A).

Vitamine D : 

  - Source optimale : La synthèse cutanée via l’exposition au soleil reste essentielle. Le foin en contient peu.

  - Précautions : Une supplémentation excessive peut causer une calcification des tissus mous.

Vitamine E:

  - Source optimale : L’alpha-tocophérol naturel (d-alpha-tocophérol) est plus biodisponible que les formes synthétiques (dl-alpha-tocophérol).

  - Précautions : Les chevaux au pré obtiennent généralement des quantités suffisantes sauf en hiver.

 

b. Vitamines hydrosolubles 

Vitamines du groupe B

- Source optimale : La fermentation microbienne dans le caecum est suffisante pour couvrir les besoins, mais les chevaux soumis à un stress ou sous médication peuvent bénéficier de suppléments incorporant des vitamines B.

Vitamine C: 

  - Source optimale : Synthétisée dans le foie des chevaux en quantité suffisante. Les suppléments ne sont nécessaires qu’en cas de stress oxydatif élevé (sport intense ou maladie).

 

Ma conclusion de nutritionniste :

Les formes organiques des minéraux et oligo-éléments sont souvent les mieux absorbées par les chevaux et présentent moins de risques de toxicité ou de déséquilibre. Une ration équilibrée, adaptée aux besoins spécifiques du cheval, et utilisant des compléments de qualité, est essentielle pour maintenir une bonne santé. Ces données sont soutenues par des études récentes dans le domaine de la nutrition équine.

Dans mon quotidien je vois surtout que l’utilisateur statue souvent sur l’efficacité d’un CMV sur des bases qui ne sont pas toujours scientifiques et cela peut semer de la confusion. L’utilisation croisée de compléments alimentaires, la conjonction avec des facteurs météo, des types de sol, des changements de composants dans les fourrages…tous ces éléments influencent directement l’immunité et la tolérance de chaque équidé. 

On nous reproche souvent, en tant que nutritionnistes, de nous tourner vers une liste réduite d’aliments ou de compléments. Il faut savoir qu’il existe bien moins de compléments bien formulés qu’en humaine. Nos choix sont malheureusement bien souvent réduits et pourtant les pathologies sont de plus en plus nombreuses. Il nous faut en permanence jongler avec des impératifs financiers, des contraintes logistiques, des aspirations émotionnelles. Notre métier est complexe et le nier revient à nier l’individualité de chaque cheval.

Il n’y a jamais de réponse tranchée et les positions extrêmes sont toujours délétères à long terme. Donc ne pas faire table rase des acquis scientifiques et s’ouvrir aux futures évolutions…A méditer.

 

 

Références scientifiques :

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6. Kohnke, J.R., et al. (1998). Equine Nutrition: Mineral Interactions and Practical Implications.

7. Maier I, Kienzle E. (2024). A Meta-Analysis on Quantitative Calcium, Phosphorus and Magnesium Metabolism in Horses and Ponies. Animals (Basel), 14(19), 2765. 

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